Ce lundi, les pelleteuses du Génie militaire ont poursuivi leur ballet dans la zone de la Plaine Orety, en plein cœur de la capitale gabonaise. Dans le sillage des travaux de l’échangeur du Camp de Gaulle et du futur boulevard de la Transition, plusieurs habitations ont été démolies sous le regard impuissant de familles entières. Une opération menée sous la supervision du ministre des Travaux publics et de la Construction, Edgard MOUKOUMBI, accompagné d’un cortège institutionnel lourdement symbolique.
Si l’ambition affichée est celle de moderniser Libreville, fluidifier le trafic et atténuer les risques d’inondations, la méthode interroge et alimente une vive polémique. Sur le terrain, la démolition a ravivé trois problématiques majeures qui mettent à mal le discours gouvernemental.
1. L’indemnisation, une promesse à géométrie variable : La première interrogation concerne le processus d’indemnisation. De nombreuses familles affirment ne jamais avoir été indemnisées, malgré leur présence depuis plusieurs années dans la zone impactée.
« Nous ne sommes pas contre le développement, mais pourquoi casser nos maisons sans compensation ? », lance Alice N., mère de quatre enfants, les larmes aux yeux. « Ils veulent qu’on aille où ? Nous n’avons reçu aucun franc, aucune lettre officielle ! »
Ce constat met en lumière une disparité criante dans le traitement des populations. Si le ministre affirme que des procédures d’indemnisation ont été engagées pour les résidents « dûment identifiés », sur le terrain, beaucoup dénoncent une opacité totale.
2. Une communication administrative quasi inexistante : La deuxième problématique réside dans le manque flagrant de communication autour de cette opération. Les agents du ministère du Cadastre sont passés apposer des numéros sur les habitations sans fournir d’explication claire ni de préavis réglementaire. Pourquoi ces agents n’ont-ils pas fait le même processus pour l’information relative au déguerpissement ?
« Un matin, des hommes sont venus numéroter les murs. On leur a posé des questions, ils n’ont pas été précis sur les dates. Un matin, les bulldozers sont là… », raconte Paul K., commerçant dont l’échoppe a été détruite. « C’était brutal, inhumain. »
Cette absence d’une stratégie de sensibilisation “chirurgicale” a plongé des dizaines de familles dans une incertitude totale. Entre rumeurs et confusion, la casse est apparue plus comme une punition que comme le résultat d’une politique publique concertée.
3. Où sont les solutions de relogement ?
Troisième point de friction : l’absence de solutions palliatives de relogement. Alors que le Président de la République, Chef de l’État, Chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui Nguema, a fait du logement l’un des piliers de sa vision sociale, cette opération soulève une contradiction flagrante. « On nous parle d’habitat pour tous à la télévision, mais ici, c’est la rue qu’on nous offre ! », déplore Léon M., sexagénaire.
Les autorités n’ont, à ce jour, présenté aucun dispositif d’hébergement temporaire ou d’accompagnement. Une situation qui aggrave la détresse des populations touchées, certaines désormais contraintes de dormir à la belle étoile, au milieu des gravats.
Si le projet d’échangeur du Camp de Gaulle et du boulevard de la Transition porte en lui une vision d’avenir pour Libreville, sa mise en œuvre soulève des questions fondamentales sur la gouvernance, l’équité et le respect des droits des citoyens. Le développement peut-il se faire au prix de la dignité humaine ? La question est posée.
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