Les nouveaux passeports de l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, sont entrés officiellement en circulation le 29 janvier dernier. Présentés comme un symbole de souveraineté après le retrait des trois pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), ces documents remplacent les anciens passeports régionaux. Pourtant, leur fabrication par la société française Idemia interroge sur la réalité de cette indépendance revendiquée.
Depuis leur retrait de la Cédéao en janvier 2024, les trois États sahéliens ont multiplié les initiatives pour marquer leur autonomie. La création d’un passeport commun AES s’inscrit dans cette dynamique, renforçant l’idée d’une coopération renforcée entre Bamako, Niamey et Ouagadougou. « Ce passeport est un symbole de notre unité et de notre liberté », déclarait récemment un responsable malien.
Cependant, la révélation du média Jeune Afrique selon laquelle ces documents sont produits par Idemia, une entreprise française, soulève des interrogations, et cela, à juste titre. Cette société spécialisée dans l’identité numérique avait cependant été critiquée par les autorités maliennes de transition ces dernières années, accusée d’être liée à des ingérences étrangères.
L’annonce de la fabrication des passeports AES par Idemia fait réagir. Des observateurs soulignent une contradiction entre la volonté affichée de souveraineté et la dépendance persistante aux technologies occidentales. « Nous nous émancipons politiquement, mais nous restons techniquement liés à l’ancienne puissance coloniale », analyse un expert en géopolitique sahélienne.
Si l’État malien ne s’est pas encore exprimé officiellement sur ce choix, des voix critiques s’élèvent déjà sur les réseaux sociaux. « Pourquoi confier un outil aussi stratégique qu’un passeport à une entreprise que nous avons tant décriée ? », interroge les observateurs de la politique africaine.
La fabrication de documents biométriques sécurisés requiert une expertise avancée que peu d’acteurs africains possèdent. Jusqu’à présent, des sociétés comme Idemia dominent ce marché, obligeant les États à collaborer avec elles malgré les tensions politiques.
Pour certains analystes, cette situation illustre la complexité du processus de souveraineté. « L’indépendance ne se décrète pas, elle se construit progressivement, notamment sur le plan technologique », estime un économiste spécialisé dans les politiques publiques africaines.
En attendant, les citoyens maliens, burkinabè et nigériens peuvent désormais se procurer leurs nouveaux passeports AES, un document qui, nonobstant ses contradictions, incarne une étape supplémentaire dans le processus d’affirmation de leur alliance.
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