La charte de la Refondation promulguée ce mercredi permettra aux militaires de se maintenir à la tête du pays au moins jusqu’en 2030. Abdourahamane Tiani s’est également autopromu général d’armée et a dissous tous les partis politiques nigériens.
À l’occasion de la cérémonie marquant la promulgation de la Charte de la refondation du Niger, ce 26 mars, au centre de conférence Mahatma Gandhi de Niamey, le général de brigade Abdourahamane Tiani a été investi général d’armée et président de la République.
Vingt mois après son coup d’État contre le président Mohamed Bazoum, le chef de la garde présidentielle – qui a donc renversé celui qu’il était censé protéger – referme son poing sur le pouvoir, obtenant les fonctions suprêmes de la nation nigérienne et de son armée.
Une charte qui a valeur de Constitution
Devant une majorité de militaires, quelques civils, des dignitaires étrangers, les représentants des autres pays composant l’Alliance des États du Sahel (AES), et l’ancien président Mahamadou Issoufou qui s’est empressé de serrer la main du général Abdourahamane Tiani, le secrétaire général du gouvernement, Mahamane Roufai Laouali, a lu les conclusions tirées des Assises nationales, organisées entre le 15 et le 20 février.
Cette charte, affirmant désormais sa « valeur constitutionnelle », s’impose aux Nigériens comme « la loi fondamentale devant régir les pouvoirs publics pendant la période de la Refondation ». Au sommet de ses priorités, elle étend la durée de la transition pour 60 mois, soit cinq années, propulsant ainsi les putschistes au pouvoir jusqu’à la date du 26 mars 2030. Une durée qui pourra cependant être prolongée « en fonction de la situation sécuritaire, du cahier des charges de la Refondation et de l’agenda de la Confédération des États du Sahel ».
Édictant en ses valeurs cardinales « le patriotisme, la discipline et le civisme », la charte a aussi été l’occasion de décréter une nouvelle règle dans la façon de gérer la présence de forces étrangères sur le territoire national. Cela se fera dorénavant par « voie de référendum », autrement dit après consultation du peuple, lequel est toujours dans l’attente de l’organisation de nouvelles élections qui semblent aujourd’hui définitivement écartées. Ce référendum pourra toutefois être contourné « en cas d’urgence avérée ». Alors, le président de la République autorisera par décret l’implication d’une force armée étrangère, après avis du Conseil consultatif de la refondation, et cela pour une durée qui « ne [pourra] excéder le temps nécessaire pour stabiliser la situation ».
Autopromotion
Le secrétaire général a ensuite lu un communiqué du gouvernement annonçant l’élévation du général Tiani par lui-même, dans un rare exercice d’autopromotion : « Le président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), chef de l’État, le général de brigade Abdourahamane Tiani, a signé un décret portant promotion à titre exceptionnel d’un officier général des forces armées nigériennes. Au terme de ce décret est promu à titre exceptionnel au grade de général d’armée le général de brigade Abdourahamane Tiani. »
L’occasion de se voir décerner plusieurs décorations sous les acclamations des militaires présents dans les gradins. Montant sur scène dans un vêtement blanc immaculé, le grand chancelier des ordres nationaux du Niger a épinglé sur le treillis du chef suprême, la Grande Croix, ainsi que le Grand Collier du président de la République. Celui porté auparavant par le président Mohamed Bazoum qui, refusant de démissionner depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, est toujours détenu par les militaires dans la résidence du palais présidentiel à Niamey.
L’intronisation ne pouvait se conclure sans les allocutions de ses frères d’armes. Notamment celle du chef d’état-major des armées, le général Salifou Modi. Dans une longue hagiographie, il a rappelé l’illustre carrière amenant cet « héros national » à fréquenter tous les centres d’instruction et les garnisons du pays. Non sans omettre les engagements extérieurs, auxquels a participé ce « militaire providentiel », de la résolution de la crise ivoirienne sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à ses missions onusiennes au Darfour ou au Tchad.
Dissolution des partis politiques
« Un parcours exceptionnel fait de dévouement, de sacrifices, d’élévation d’esprit, de courage et de patriotisme, a tonné Salifou Modi. Ce n’est donc pas le fait du hasard si le général Abdourahamane Tiani fait aujourd’hui l’unanimité au sein de nos populations, qui lui ont témoigné cette reconnaissance, à travers une première historique, d’élever elle-même, sans intermédiaire, un officier de leur armée au grade le plus élevé. » Passage qui a forcé le chef suprême de la nation à essuyer une larme, dans le silence respectueux de l’assemblée.
Après la cérémonie militaire de remise de ses nouveaux galons, le chef suprême a réservé une dernière surprise : la signature d’une ordonnance actant la dissolution de tous les partis nigériens.
Désormais, au Niger, il faudra s’adresser au chef des putschistes du 26 juillet 2023 en employant cette formule : « Président de la République du Niger, chef de l’État, chef suprême des armées, chef de l’administration, grand maître des ordres nationaux, le général d’armée Abdourahamane Tiani. »
Avec Jeune Afrique
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