Le ton est monté d’un cran entre le Gabon et le géant minier français ERAMET. En toile de fond, une bataille stratégique autour de la souveraineté industrielle gabonaise, incarnée par la décision unilatérale du gouvernement de cesser l’exportation de manganèse brut à partir du 1er janvier 2029. Une mesure saluée dans le pays comme un tournant historique vers la transformation locale des ressources, mais accueillie avec un scepticisme appuyé par Christel Bories, présidente du conseil d’administration du groupe ERAMET.
Invitée sur le plateau d’Ecorama, un programme économique diffusé sur Boursorama, la dirigeante n’a pas mâché ses mots. Doute sur la capacité du Gabon à disposer d’infrastructures suffisantes, allusion aux « limites énergétiques » du pays, et avertissement à peine voilé sur les conséquences d’une telle politique industrielle. Selon elle, le Gabon prendrait le risque de « se tirer une balle dans le pied ». Des propos qui ont suscité une réaction immédiate et musclée du Syndicat des travailleurs des industries minière et métallurgique (STRIMM).
Un droit de réponse tranchant
Dans une déclaration officielle, le STRIMM, par la voix de son Secrétaire général Joscelain Lebama, dénonce une posture « condescendante » et « néocoloniale » de la part de la patronne d’ERAMET. Le syndicat accuse le groupe minier d’avoir profité pendant des décennies des richesses du sous-sol gabonais sans jamais s’engager pleinement dans la transformation locale. « Ce ton condescendant n’est ni acceptable ni constructif », martèle le STRIMM, qui estime qu’il ne s’agit plus de débattre d’une orientation, mais d’en garantir l’exécution effective.
Pour l’organisation syndicale, les propos de Christel Bories sont révélateurs d’un rapport dépassé entre les multinationales et les États africains, où la préservation des profits prime sur les impératifs de développement des pays producteurs. Le STRIMM soutient fermement la vision portée par le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui entend rompre avec le modèle extractiviste hérité de la colonisation économique. « La dynamique est irréversible », prévient le syndicat.
Un nouveau paradigme économique en Afrique
Ce bras de fer n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une tendance continentale où de plus en plus de gouvernements prennent des mesures souveraines pour exiger la transformation locale des matières premières. La RDC avec le cobalt, le Zimbabwe avec le lithium, ou encore l’Indonésie avec le nickel, ont engagé des politiques similaires. Le Gabon, deuxième producteur mondial de manganèse, ne veut plus être un simple pourvoyeur de minerai brut, mais aspire à devenir un acteur industriel majeur.
Le STRIMM invite ainsi ERAMET à sortir de l’ambiguïté. Soit le groupe accepte de jouer le jeu de la relocalisation industrielle en investissant dans des usines de transformation sur le sol gabonais, soit il devra céder la place à des opérateurs « disposés à bâtir un partenariat équitable avec le peuple gabonais ». À l’heure des bilans climatiques, des exigences sociales, et de la montée des souverainetés minières, les grandes entreprises ne peuvent plus se contenter de déclarations de principe. C’est à l’aune de leurs actes qu’elles seront désormais jugées.
En s’érigeant en défenseur d’un nouveau modèle économique, le STRIMM montre que les syndicats ne se contentent plus d’un rôle de contre-pouvoir social, mais qu’ils sont devenus des acteurs politiques de plein droit dans la bataille pour la souveraineté économique africaine. Une bataille où se joue, au fond, l’avenir du développement du continent.
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