Pour la première fois depuis son arrestation en décembre 2019, Brice Laccruche Alihanga est revenu publiquement sur les circonstances exactes de sa chute, dans un entretien exclusif accordé à TV5MONDE. L’ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo Ondimba, autrefois présenté comme l’homme fort du régime, livre un témoignage poignant, teinté d’accusations graves à l’endroit de l’entourage immédiat de l’ancien chef de l’État.
Au cœur de ses révélations, un échange décisif avec le fils du président, Nourredin Bongo Valentin. « Mon grand-père était président, mon père est président, je serai président. Es-tu avec moi ou contre moi ? », lui aurait lancé ce dernier en novembre 2019. Une phrase aux accents de monarchie héréditaire, que Brice Laccruche dit avoir refusé d’accepter : « J’ai dit non au prince qui voulait devenir roi. J’ai signé mon arrêt de mort. »
Ces mots, lourds de sens, replacent l’affaire Laccruche dans une perspective politique bien plus large. Longtemps considéré comme l’éminence grise du régime, celui que l’opinion surnommait « BLA » s’érige désormais en victime d’un système en dérive, déterminé à éliminer toute voix discordante dans les rangs du pouvoir. « Ce n’était pas une arrestation judiciaire. C’était une mise en œuvre planifiée, une tentative d’assassinat politique », affirme-t-il sans détour.
Derrière son éviction brutale, Laccruche Alihanga dénonce une volonté délibérée de faire taire un homme devenu gênant, coupable de s’être opposé à ce qu’il qualifie de « dérive dynastique ». Selon lui, le pouvoir avait cessé d’être républicain pour devenir une affaire de transmission héréditaire, au mépris de la légitimité populaire et des principes démocratiques. « Je n’ai pas été arrêté parce que j’ai mal géré. J’ai été arrêté parce que j’ai dit non à un pouvoir personnel, illégitime et héréditaire », martèle-t-il.
Plus qu’un témoignage, cette sortie publique marque un tournant dans la relecture de la fin de règne d’Ali Bongo. Elle offre un éclairage nouveau sur les luttes de pouvoir au sommet de l’État gabonais entre 2018 et 2019, à un moment où l’opinion assistait, impuissante, à la montée en puissance de Nourredin Bongo, propulsé dans les cercles décisionnels au lendemain de l’AVC de son père.
En rompant le silence, Brice Laccruche Alihanga cherche visiblement à se réhabiliter dans l’opinion et à peser à nouveau dans le débat national. Mais au-delà de sa propre trajectoire, ses propos soulignent l’impasse d’un système qui a tenté de survivre en verrouillant toute alternative, quitte à sacrifier ses propres lieutenants.
Témoin-clé d’un moment de bascule, BLA devient aujourd’hui, pour ses partisans comme pour ses détracteurs, l’une des voix les plus crédibles pour décortiquer de l’intérieur la mécanique d’un pouvoir jadis tout-puissant, et qui a fini par s’effondrer sur lui-même.
Discussion about this post