Dix jours après son lancement, l’opération de déguerpissement des emprises des projets de la Cité administrative et du Boulevard de la Transition entre dans sa phase décisive. Engins du Génie militaire, mobilisation continue, démolitions systématiques : le gouvernement gabonais affiche une détermination sans faille, malgré les vives émotions suscitées par l’évacuation de dizaines de familles.
Une opération planifiée depuis plus d’une décennie
Tout a commencé le 2 juin 2025. Mais l’histoire du projet est bien plus ancienne. Depuis le décret n°0081/PR/MHUC du 14 février 2024, la parcelle 117 de la section PA du plan cadastral de Libreville — d’une superficie de 200 247 m² — a été déclarée d’utilité publique, avec pour vocation la construction d’une Cité administrative, d’un bassin versant et du Boulevard de la Transition. Une déclaration qui donne une assise juridique aux actions du gouvernement.
Les autorités rappellent que la zone, notamment entre Plaine-Orety et les abords de l’ambassade de Russie, est classée depuis longtemps comme espace d’intérêt stratégique pour l’État gabonais. Plusieurs projets de grande envergure y étaient déjà envisagés depuis les années 2010. En particulier, des infrastructures diplomatiques, administratives et de désengorgement urbain.
Une exécution rapide, malgré les critiques
Le rythme soutenu des démolitions, y compris pendant les week-ends et jours fériés, montre la volonté des autorités de ne pas reculer. Pour le gouvernement, cette opération est non seulement légale, mais indispensable pour corriger les erreurs d’urbanisation du passé.
« Il s’agit d’une zone déclarée d’utilité publique, occupée illégalement par des personnes qui étaient informées depuis longtemps », soutient un haut responsable du ministère de l’Habitat.
Les autorités évoquent également un phénomène d’occupation irrégulière aggravé au fil des années. Certains habitants auraient été indemnisés dès les années 1990, mais seraient restés ou auraient revendu leurs terrains sans révéler leur statut juridique. D’autres, notamment des étrangers, auraient acquis des parcelles en toute illégalité, en méconnaissance des lois gabonaises qui restreignent la cession foncière à des non-nationaux.
Un point de non-retour ?
Du côté des populations concernées, la douleur est réelle. Des familles entières perdent leurs toits, dans un contexte économique déjà difficile. Malgré cela, les autorités assurent que des campagnes de sensibilisation ont été menées, parfois depuis des décennies, avec les auxiliaires de commandement, les chefs de quartier et les représentants des communautés locales.
Mais aujourd’hui, le gouvernement semble considérer que le temps du dialogue est dépassé, et que le moment est venu de faire place à un urbanisme moderne, rationnel et sécurisé.
“Corriger le passé, pour mieux bâtir l’avenir”
Selon les pouvoirs publics, la finalité de cette opération est claire : améliorer les conditions de vie des populations, réduire les inondations, fluidifier la circulation et lutter contre l’insécurité dans une zone en proie au désordre et à la précarité.
« Il ne s’agit pas d’un projet contre les populations, mais pour les populations », insistent les services techniques.
Reste à voir si le gouvernement pourra accompagner socialement les personnes les plus vulnérables et apaiser les tensions communautaires, notamment face à certains débordements verbaux de ressortissants étrangers, dénoncés par des responsables locaux.
L’État a-t-il enfin tourné la page de la complaisance foncière ? L’issue de cette opération, scrutée de près par l’opinion, dira si la transition gabonaise en matière d’urbanisme est réellement en marche.
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