Loin des spéculations alarmistes et des titres sensationnalistes relayés ces dernières semaines, la décision du Gabon de surseoir à un nouvel accord financier avec le Fonds monétaire international s’inscrit dans une stratégie mûrement réfléchie, portée et assumée par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema. Car derrière ce choix, certains y ont vu une défiance ; d’autres, un bras de fer avec l’institution de Bretton Woods. En réalité, Libreville trace désormais sa propre voie : celle d’une souveraineté économique affirmée, construite sur la maîtrise interne, la rigueur budgétaire et la rupture progressive avec un modèle de dépendance financière hérité des décennies précédentes.
Lorsque le Chef de l’État a reçu, il y a quelques jours, la délégation du FMI à Libreville, le ton était loin d’être conflictuel. Les discussions ont été franches, sereines, constructives. Les représentants du Fonds eux-mêmes ont salué une vision « solide » et « courageuse » des réformes en cours, preuve que le pays ne tourne pas le dos à ses partenaires internationaux, mais qu’il redéfinit les termes du dialogue. Sous l’impulsion d’Oligui Nguema, le Gabon n’entend plus se contenter de réformes dictées de l’extérieur : il veut conduire ses transformations selon son propre agenda, au rythme qui sert ses intérêts nationaux, et non ceux d’un quelconque prescripteur.
Cette volonté de reprendre la main est assumée. Le chef de l’État l’a rappelé, chiffres et trajectoire à l’appui : le pays veut d’abord assainir lui-même ses finances, améliorer sa gouvernance budgétaire, renforcer la mobilisation des recettes intérieures et réorienter les dépenses publiques vers les secteurs prioritaires, infrastructures, sécurité alimentaire, énergie, éducation, avant d’envisager une nouvelle ligne de financement. « Il faut reconstruire sur des bases saines », glisse un proche collaborateur du Président, résumant l’esprit de la période actuelle.
Pourtant, une partie de la presse internationale a rapidement parlé d’un Gabon isolé, d’un « mauvais élève » de la Cémac, voire d’un risque pour la stabilité régionale. Mais la réalité est toute autre. Lors de la dernière réunion de la Cémac à Malabo, les chiffres validés pour 2024 ont été sans appel : aucun pays de la zone n’a respecté l’ensemble des quatre critères de convergence macroéconomique. Le Gabon, lui, présente un taux d’inflation maîtrisé à 1,2 %, bien en dessous du seuil autorisé de 3 %, preuve d’une stabilité des prix exceptionnelle dans un contexte mondial encore instable. Seul le critère du stock de dette, établi à 72,8 %, contre un plafond de 70 %, dépasse légèrement la norme, un écart comparable à celui observé dans d’autres économies de la région.
Les projections pour 2025 et 2026 ? Officiellement inexistantes. Les chiffres n’ont pas encore été publiés, ce qui rend toute analyse anticipée… inutilement alarmiste. Le discours selon lequel Libreville serait au bord d’une rupture ou d’un effondrement économique relève donc davantage de la rumeur que du factuel.
Dans les cercles diplomatiques africains, la posture gabonaise intrigue autant qu’elle inspire. Car Oligui Nguema n’entend pas seulement gérer une conjoncture : il veut redéfinir la place de son pays dans les relations économiques internationales. La coopération avec le FMI se poursuit, mais elle se limite désormais à un accompagnement technique de qualité, sans pression financière. Les experts de l’institution travaillent main dans la main avec les équipes nationales pour affiner les politiques fiscales, moderniser les outils de gestion publique et renforcer les capacités internes.
Ce qui change, c’est la philosophie : le Gabon n’est plus un pays en demande ; il est un pays en construction. Un pays qui veut décider. Un pays qui veut peser.
En replaçant la souveraineté économique au cœur de sa stratégie, Oligui Nguema envoie un signal clair, à l’intérieur comme à l’extérieur : le Gabon ne refuse pas la coopération, mais il exige désormais qu’elle se fasse en fonction de ses priorités, de ses intérêts et de sa vision d’un État moderne, responsable et affranchi des schémas d’hier.
Dans un continent où les modèles de développement sont en pleine recomposition, cette orientation pourrait bien faire du Gabon l’un des laboratoires politiques les plus scrutés d’Afrique centrale. Et peut-être, demain, l’un des moteurs d’une nouvelle doctrine économique africaine : celle qui concilie réformes maîtrisées, indépendance stratégique et ouverture sélective sur le monde.






























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