Dans la tempête médiatique qui secoue le Gabon depuis plusieurs jours, une vérité simple semble avoir été noyée dans le flot d’approximations, de rumeurs et de manipulations. L’affaire Nazih Marwan Al-Azzi, jeune influenceur gabonais d’origine libanaise, fait couler beaucoup d’encre depuis sa récente interpellation au Liban. Mais derrière le sensationnalisme, une question centrale mérite d’être posée : qui dit la vérité, et qui joue avec la crédulité de l’opinion publique ?
Nazih lui-même a pris la parole. Lors d’une intervention en direct sur le compte Facebook de l’activiste Jonas Moulenda, largement suivie, il a clarifié un point essentiel : il n’a jamais parlé de vidéos compromettantes. Ce qu’il dit détenir, ce sont des enregistrements audios de conversations téléphoniques, dont certaines – selon ses dires – impliqueraient de hauts responsables gabonais. Une nuance de taille, totalement ignorée par une partie de la presse internationale.
Et pourtant, dans une publication datée du 4 août 2025, le média RFI — habituellement rigoureux — relayait sans recul critique une version fallacieuse des faits : « Nazih détiendrait 46 enregistrements et 14 vidéos compromettantes ». Cette information, reprise comme un fait établi, ne trouve sa source ni dans une déclaration officielle, ni dans un document judiciaire, ni même dans les dires de l’intéressé. Elle provient en réalité des allégations de certains activistes sur les réseaux sociaux.
En l’occurrence, ce sont des figures bien connues du cybermilitantisme anti-Oligui — Jonas Moulenda, Thibaut Adjatys, Princesse de Souba, Bernard Rekoula, Dana Leiza, Mister Phénix — qui, dans une logique de manipulation médiatique, ont contribué à alimenter ce narratif erroné.
Des enfoirés ! Ils parlent de 6 millions alors qu’il s’agit d’un chantage de 6 milliards. En attribuant à Nazih des propos qu’il n’a jamais tenus, ils ont orienté l’opinion publique vers une théorie du complot visant à fragiliser les institutions gabonaises.
Le plus troublant dans cette affaire n’est pas tant le comportement d’un influenceur controversé, ni les dérives prévisibles de certains activistes en mal d’audience. Ce qui inquiète, c’est que des médias internationaux reconnus, comme RFI, puissent se faire les relais d’une désinformation sans en vérifier la source. Que le correspondant permanent à Libreville, Yves Laurent Goma, se soit laissé prendre au piège de cette propagande numérique interpelle. Cela entame la crédibilité d’une rédaction souvent perçue comme neutre et exigeante.
Le journalisme de qualité repose sur la vérification, la rigueur, l’équilibre des sources. En oubliant ces fondamentaux, RFI donne, peut-être malgré elle, une caution à une stratégie de déstabilisation savamment orchestrée. Il est encore temps pour ce média de rectifier, de réécouter les déclarations directes de Nazih sur le live de Jonas Moulenda, et de distinguer ce qu’il a effectivement affirmé de ce que ses relais veulent lui faire dire.
Enfin, cette affaire révèle un enjeu plus large : la fragilité des démocraties africaines face à la désinformation virale. À l’ère des réseaux sociaux, où tout citoyen peut devenir une source, la responsabilité des médias traditionnels est d’autant plus grande. Il ne suffit plus de rapporter ; il faut investiguer, croiser, confronter.
Dans ce dossier, Nazih Marwan Al-Azzi ne dit pas avoir des vidéos. Ce sont d’autres qui lui prêtent ces propos, en les répétant jusqu’à ce qu’ils deviennent une “vérité” médiatique. Il appartient désormais aux journalistes de remettre les faits à leur juste place, avec courage et honnêteté intellectuelle. Car la réputation d’un homme, la stabilité d’un État et la confiance du public dans l’information en dépendent.
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