
La décision rendue le 24 septembre dernier par la Cour de cassation française, validant définitivement la confiscation des biens immobiliers de la famille Bongo, marque un tournant décisif dans le long feuilleton judiciaire des « biens mal acquis ». Mais au-delà du symbole judiciaire et moral, une question essentielle se pose désormais : à qui doit réellement profiter cette confiscation ? À la France, dont les caisses publiques sont en difficulté, ou au peuple gabonais, victime de décennies de détournements et de prédations ?
L’ancien président Ali Bongo Ondimba vient d’essuyer un revers judiciaire cinglant. Par trois arrêts rendus le 24 septembre, la Cour de cassation française a rejeté ses pourvois et confirmé la confiscation de plusieurs propriétés familiales à Paris et à Nice. Ces biens, évalués à plusieurs millions d’euros, incluent notamment un hôtel particulier dans le XVIᵉ arrondissement de Paris et une luxueuse villa sur la Côte d’Azur. Des acquisitions réalisées via des montages financiers complexes impliquant la SCI Émeraude, où figuraient plusieurs membres de la famille Bongo, dont Omar, Édith et Pascaline Bongo.
Cette décision clôt plus d’une décennie d’enquêtes sur un patrimoine estimé à 70 millions d’euros, soupçonné d’avoir été constitué grâce à des fonds publics gabonais. Pour la justice française, le verdict est clair : l’origine des fonds est douteuse, et la confiscation est juridiquement fondée.
Mais dans les rues de Libreville comme à Port-Gentil, une autre lecture s’impose : celle d’une victoire judiciaire française… aux allures de spoliation.
Une victoire française ou un détournement moral ?
La France se félicite de sa fermeté face à la corruption internationale. Mais cette rigueur, souvent présentée comme une avancée éthique, interroge lorsqu’elle se traduit par la confiscation de richesses africaines… sans restitution aux peuples concernés.
L’affaire Bongo n’est pas isolée : plusieurs États africains, Guinée équatoriale, Congo-Brazzaville, Tchad, Centrafrique, voient leurs anciens dirigeants ou leurs héritiers mis en cause dans des procédures similaires, toutes initiées depuis Paris.
Or, dans la quasi-totalité de ces dossiers, les sommes saisies restent en France, sous prétexte de procédures longues, de contentieux administratifs ou de considérations techniques liées à la « traçabilité » des fonds.
Le Gabon, qui a tourné la page du régime Bongo depuis le coup de Libération d’août 2023 et s’est engagé sous la présidence de Brice Clotaire Oligui Nguema dans une transition institutionnelle fondée sur la transparence, est aujourd’hui en droit d’attendre que la justice internationale se double d’une justice morale.
Car, dans l’esprit des Gabonais, cet argent appartient au peuple. Il doit servir à reconstruire des écoles, des hôpitaux, des routes, pas à renflouer les comptes publics d’un pays européen en crise budgétaire.
Restituer, un impératif de cohérence
En validant définitivement la saisie des biens, la Cour de cassation a confirmé le principe : la corruption ne paie plus. Mais il reste à appliquer le corollaire : les victimes doivent être réparées.
Il ne suffit pas de confisquer pour punir. Encore faut-il redistribuer pour réparer.
Dans le cas du Gabon, où les effets du détournement de fonds publics ont durablement freiné le développement social, la restitution de ces avoirs serait un signal fort. Elle incarnerait cette « justice universelle » que la France revendique, mais qu’elle peine encore à appliquer avec équité.
D’autant que la Ve République gabonaise, sous l’impulsion d’Oligui Nguema, multiplie les initiatives pour moraliser la vie publique, renforcer la transparence financière et restaurer la confiance citoyenne. Refuser de restituer ces fonds reviendrait à envoyer un message contradictoire : la France lutte contre la corruption, mais conserve les fruits de celle-ci.
Le temps de la restitution
Pour de nombreux observateurs africains, la décision de la Cour de cassation devrait marquer le début d’une nouvelle ère de responsabilité partagée entre les anciennes puissances coloniales et les États africains.
La France ne peut plus, au XXIᵉ siècle, s’ériger en juge moral tout en profitant des fruits d’un système qu’elle prétend condamner.
Les populations du continent, de plus en plus conscientes et exigeantes, ne veulent plus de gestes symboliques ; elles veulent des actes réparateurs.
Restituer au Gabon les biens mal acquis confisqués à la famille Bongo ne serait pas un cadeau : ce serait un acte de justice. Une manière, pour Paris, de prouver que sa politique africaine ne repose plus sur la domination, mais sur la réparation et le respect des souverainetés.































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