Le Palais de justice de Libreville est en ébullition. Depuis le lundi 10 novembre, s’y déroule un procès d’une ampleur inédite, qui lève le voile sur l’un des plus grands scandales politico-financiers de l’histoire du Gabon.
Au cœur de la tourmente : Sylvia Aimée Marie Valentin Bongo, l’ancienne Première Dame, son fils Noureddine Bongo Valentin, ex-coordinateur général des affaires présidentielles, et dix de leurs proches, accusés d’avoir mis la main sur les caisses de l’État pour bâtir un empire privé tentaculaire.
Le dossier, baptisé par les enquêteurs « Young Team », révèle un système de prédation méthodique, où politique, affaires et vie mondaine se confondaient dans une démesure insolente.
Un procès qui dévoile l’envers du pouvoir
Les chefs d’accusation donnent la mesure du scandale : détournement de fonds publics, recel, corruption, blanchiment de capitaux, concussion, association de malfaiteurs, instigation de faux, troubles électoraux… La lecture de l’arrêt de renvoi a révélé l’ampleur du pillage présumé : des milliards de francs CFA, détournés pour entretenir le luxe effréné d’une élite coupée du réel.
Les juges ont découvert une constellation de sociétés-écrans et de biens dissimulés sous des SCI, des comptes bancaires à l’étranger, des résidences à Londres, Marrakech ou la Pointe Denis, et des dizaines de véhicules de prestige.
Un véritable État dans l’État, où l’argent public finançait les plaisirs privés du clan présidentiel.
“Young Team” : la machine à milliards
Selon le dossier, Noureddine Bongo Valentin aurait dirigé la manœuvre, entouré de ses fidèles. À travers des structures telles que Africa Dream, Ambowé ou Mayena Group, il aurait investi massivement dans l’immobilier, les mines, et même l’aéronautique, partageant un avion privé avec sa mère.
Sylvia Bongo, quant à elle, aurait contrôlé un patrimoine vertigineux :
SCI Mars, Green Équatoriale, Sable, Paradis, Lilya, Sunset Beach… Des immeubles face à la Baie des Rois, des terrains à Nkok, des villas au bord de mer, des propriétés à Londres et Marrakech, et des millions d’euros sur des comptes suisses.
Une couronne de fidèles enrichis
Autour d’eux, une nébuleuse d’alliés tout aussi prospères.
Mohamed Ali Saliou, véritable homme de l’ombre, détiendrait un patrimoine de plus de 700 millions de FCFA, un hôtel, des mini-cités et seize voitures de luxe.
Ian Ghislain Ngoulou, ancien conseiller politique, serait propriétaire de 27 villas avec piscines et d’une maison à Franceville.
Abdoul Oceni Ossa, présenté comme le bras droit de Noureddine, aurait investi dans un complexe de 13 villas et un appartement à Dubaï.
Même les profils secondaires ont profité de la manne
Jessye Ella Ekogha, ancien porte-parole de la présidence, disposerait de plus de 200 millions de FCFA, d’un marché à Bitam, et d’un compte en France.
Cyriaque Mvourandjiami posséderait plusieurs résidences et un parc automobile de haut standing.
Quant à Steeve Nzegho Dieko, ex-directeur de cabinet politique, il aurait acquis plusieurs terrains et maisons entre Libreville, Makokou et Marseille 2, certains achetés « cash ».
“Nous étions bien payés”, se défendent les accusés
À la barre, les mis en cause adoptent la même ligne : tous affirment que leurs biens proviennent de leurs salaires, primes et gratifications.
Une défense que le ministère public juge “irréaliste”, au regard des sommes astronomiques et des acquisitions “hors de proportion avec leurs revenus officiels”.
Pour les observateurs, ce procès historique n’est pas seulement celui d’un clan déchu — il marque aussi la fin d’une ère d’impunité, celle où les caisses de l’État étaient traitées comme un patrimoine privé.
L’audience, suspendue ce mardi soir, reprendra ce mercredi 12 novembre avec la comparution des accusés présents.
Le pays, lui, observe, entre colère et sidération, la chute d’un système où le luxe insolent et la corruption régnaient en maître.































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