C’est un verdict qui fera date dans l’histoire des contentieux frontaliers africains. Ce 19 mai 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu un arrêt décisif dans le différend territorial opposant le Gabon à la Guinée équatoriale, mettant un terme à des décennies de crispations autour de la souveraineté de plusieurs îles et zones maritimes du Golfe de Guinée. Le jugement, sans ambiguïté, consacre la victoire de Malabo et rebat les cartes de la géopolitique régionale.
Revers diplomatique pour le Gabon
Libreville, qui fondait une partie de sa revendication sur la célèbre « Convention de Bata », a vu ses espoirs anéantis. Les juges de La Haye ont rejeté à l’unanimité la validité de ce document, estimant qu’il ne constituait ni un traité, ni un engagement juridiquement contraignant. En d’autres termes, ce texte n’a aucune portée légale au regard du droit international et ne pouvait servir de fondement à une revendication souveraine.
Retour aux origines coloniales
La décision repose sur un principe juridique central : l’uti possidetis juris, selon lequel les frontières des nouveaux États doivent suivre les limites administratives héritées de la colonisation. Dans ce cadre, la Cour a jugé que seuls les titres coloniaux antérieurs aux indépendances – ceux de la France pour le Gabon et de l’Espagne pour la Guinée équatoriale – avaient valeur légale.
La convention franco-espagnole du 27 juin 1900 et les cartes administratives établies jusqu’en 1968 pour la Guinée équatoriale ont ainsi constitué la base principale de la décision.
Mbanié, Corisco et Ponga sous souveraineté équato-guinéenne
Le nœud du litige portait sur trois îles stratégiques : Mbanié, Corisco et Ponga. Situées dans une zone maritime riche en hydrocarbures et en ressources halieutiques, elles cristallisaient les tensions depuis les années 1970. La CIJ a tranché : par 13 voix contre 2, la souveraineté de ces îles revient sans contestation possible à la Guinée équatoriale, sur la base des titres espagnols transmis lors de son indépendance en 1968.
Démarcation maritime : une ligne désormais claire
Autre point central, la délimitation des frontières maritimes. La CIJ a validé l’usage combiné de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982) et de la Convention spéciale de 1909 pour établir le point terminal terrestre à partir duquel démarre la frontière maritime. Cette précision permettra aux deux États de mieux organiser l’exploitation et la gestion durable des ressources dans cette zone longtemps floue.
Un tournant diplomatique pour l’Afrique centrale
Au-delà du Gabon et de la Guinée équatoriale, cette décision pourrait faire jurisprudence pour d’autres conflits frontaliers encore latents sur le continent. Elle illustre la primauté du droit international sur les argumentaires politiques ou les interprétations historiques unilatérales.
Pour Libreville, il s’agit d’un coup dur, mais aussi d’un appel au réalisme diplomatique. La sentence de la CIJ est définitive et sans appel. Le temps est désormais à l’apaisement, à la coopération et à la mise en œuvre concrète de cette décision. La matérialisation des frontières sur le terrain devra se faire de manière concertée, dans le respect des nouvelles lignes établies, afin d’éviter toute résurgence de tensions.
Pour Malabo, ce jugement est une victoire légale, mais aussi une responsabilité diplomatique. Car dans cette région, la stabilité ne s’impose pas par les cartes, mais par les actes.
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