Plus de 3 000 milliards de FCFA. C’est le montant vertigineux que le Gabon a déjà remboursé depuis le début de la Transition ouverte en août 2023. Un chiffre qui résume à lui seul la ligne politique choisie par le président Brice Clotaire Oligui Nguema : restaurer la crédibilité financière de l’État, coûte que coûte, y compris au prix de sacrifices internes lourds et parfois impopulaires.
En moins de deux ans et demi, le pays a assumé une dette héritée du passé, contractée pour l’essentiel sous les régimes précédents, dans un contexte où les marges budgétaires étaient déjà étroites. Selon les données disponibles, 3 142,286 milliards de FCFA ont été mobilisés pour le service de la dette, hors eurobonds, auxquels s’ajoutent deux remboursements majeurs sur les marchés internationaux : 295 milliards et 648 milliards de FCFA. Une performance rare sur le continent, à l’heure où plusieurs États africains ont choisi le rééchelonnement, la renégociation, voire le défaut de paiement.
Une discipline budgétaire assumée, mais coûteuse socialement
Dès les premières semaines de la Transition, le pouvoir exécutif a fait un choix clair : honorer la signature de l’État gabonais, afin d’éviter l’isolement financier et de préserver l’accès futur aux marchés. Cette stratégie s’est traduite par une rigueur budgétaire de fer, parfois au détriment de priorités sociales sensibles.
Retards dans le paiement de certaines bourses, tensions sur la prise en charge d’urgences sociales, lenteur dans l’achèvement de projets structurants, routes, eau potable, équipements publics : les conséquences internes de cette discipline ont été bien réelles. Mais pour le Chef de l’État, l’équation était simple : sans crédibilité financière, aucun développement durable n’est possible.
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
Dans le détail, l’effort consenti est considérable.
Entre septembre et décembre 2023, le Gabon a versé 14,806 milliards de FCFA pour le principal de la dette et 35,241 milliards au titre des intérêts, soit 50,048 milliards au total.
En 2024, les remboursements ont atteint 198,677 milliards pour le principal et 104,481 milliards pour les intérêts, soit 303,159 milliards sur l’année.
À fin novembre 2025, les paiements cumulés s’élèvent déjà à 199,080 milliards pour le principal et 95,940 milliards d’intérêts, soit 295,020 milliards.
Au total, sur le seul marché financier, de septembre 2023 à novembre 2025, le Gabon a réglé 412,564 milliards de FCFA pour le service de la dette et 235,663 milliards d’intérêts, soit 648,227 milliards de FCFA. Une trajectoire qui tranche avec les pratiques observées dans plusieurs économies africaines confrontées à des crises de liquidité.
Une reconnaissance internationale encore timide
Paradoxalement, malgré cet effort sans précédent, la reconnaissance internationale tarde à se matérialiser pleinement. Les agences de notation restent prudentes, les marchés attentifs, et les partenaires financiers conditionnent encore leur confiance à l’existence de programmes formels avec certaines institutions internationales.
Pour Libreville, cette situation nourrit une forme d’incompréhension. Les actes ont précédé les discours, et les remboursements ont été effectués sans suspension, sans moratoire et sans restructuration forcée. Pourtant, la perception extérieure reste marquée par l’héritage du passé et par une attente prolongée de signaux institutionnels supplémentaires.
Une stratégie de long terme
Au sein de l’exécutif, la lecture est claire : la crédibilité financière ne se décrète pas, elle se construit dans la durée. En honorant ses engagements les plus contraignants, l’État gabonais entend envoyer un message sans ambiguïté aux investisseurs et partenaires internationaux : la Transition n’est pas une parenthèse d’irresponsabilité, mais un moment de continuité de l’État, de rigueur et de rupture avec les pratiques antérieures.
Dans un environnement régional fragilisé par les chocs économiques et les incertitudes politiques, le Gabon fait le pari que cette discipline finira par porter ses fruits. Reste désormais un défi majeur : réconcilier rigueur financière et attentes sociales, afin que les sacrifices consentis aujourd’hui se traduisent, demain, par une croissance inclusive et visible pour les populations.
Car si la dette peut se rembourser en chiffres, la confiance, elle, se gagne aussi sur le terrain du développement réel.































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