C’est un témoignage qui secoue les coulisses du procès du « Clan Bongo Valentin » à Libreville. Dans une déposition désormais versée au dossier judiciaire, Kim Oun, ancien homme de confiance du couple présidentiel, livre une série de révélations saisissantes sur la mécanique interne du système Bongo, ses circuits de financement occultes et son organisation quasi militaire autour de Sylvia et Noureddine Bongo Valentin.
Au cœur de ses déclarations : la campagne présidentielle d’août 2023, dont il affirme que le budget colossal atteignait 80 milliards de francs CFA — un montant géré en dehors de tout cadre institutionnel, directement par l’ex-première dame et son fils.
Une machine politique parallèle
Selon Kim Oun, la campagne reposait sur une architecture soigneusement hiérarchisée, conçue à la manière d’un État dans l’État.
• Alex Bongo et Abdoul Oceni Ossa supervisaient les opérations.
• Jessye Ella Ekogha pilotait la communication.
• Ian Ngoulou et Steve Nzeko Dieko se chargeaient de la stratégie politique.
• Marion Scappaticci, figure centrale du dispositif, assurait la coordination générale, en lien direct avec Sylvia et Noureddine, seuls à disposer du pouvoir d’arbitrage final.
Dans cette configuration, les décisions étaient concentrées dans un cercle restreint, coupé des institutions officielles, où la loyauté familiale primait sur toute forme de contrôle administratif.
Le rôle discret mais clé de Kim Oun
Ancien responsable de la sécurité rapprochée de Noureddine à Londres, Kim Oun s’était progressivement imposé comme homme de confiance de Sylvia Bongo, chargé de la logistique privée et des affaires personnelles.
Il précise n’avoir jamais exercé de fonction politique auprès de Noureddine, mais reconnaît avoir supervisé pour le compte de l’ex-première dame plusieurs opérations sensibles :
• la commande de 100 véhicules de campagne,
• la logistique d’importation des gadgets électoraux,
• et même les discussions préliminaires avec Airbus pour la location d’hélicoptères.
Toutefois, insiste-t-il, « toutes les décisions finales revenaient à Noureddine Bongo », véritable chef d’orchestre de ce dispositif.
Une organisation financière tentaculaire
Les révélations les plus explosives concernent les flux financiers. Kim Oun décrit un système parallèle de transferts d’argent conçu pour contourner les restrictions bancaires et masquer la provenance des fonds.
Le circuit, selon lui, fonctionnait comme suit :
1. Le Trésorier Payeur Général remettait des espèces au service de Sylvia Bongo.
2. Ces liquidités étaient converties sur le marché noir à Libreville.
3. Les fonds étaient ensuite acheminés vers Dubaï, où l’avocat Alain Malek, intermédiaire privilégié du couple, les déposait sur des comptes ouverts auprès de Royal Capital et Noor Capital.
4. Ces sociétés se chargeaient ensuite de régler les factures de luxe de Sylvia Bongo : bijoux, œuvres d’art, vêtements haute couture… pour un montant annuel estimé entre 3 et 4 millions d’euros.
Kim Oun décrit Alain Malek comme un pivot central, gérant les sociétés-écrans et les placements offshores, tout en précisant qu’il n’assistait pas aux réunions confidentielles entre ce dernier et Sylvia Bongo.
Les contours d’un empire domestique
Derrière ces flux financiers opaques, se dessine une réalité glaçante : celle d’un clan qui, à la faveur de la maladie d’Ali Bongo, aurait mis en place une véritable gouvernance parallèle, mêlant affaires privées, gestion politique et contrôle des ressources publiques.
Kim Oun évoque notamment la société Jet Magic, utilisée pour l’organisation des voyages officiels et privés via le Boeing 737 VIP (P4-BBJ), propriété du couple présidentiel, géré en toute discrétion par Sylvia Bongo elle-même.
Un témoignage clé pour la justice gabonaise
Pour les enquêteurs, ces éléments viennent renforcer la thèse d’un système de prédation sophistiqué, orchestré par Sylvia et Noureddine Bongo, impliquant détournements massifs, blanchiment d’argent et enrichissement illicite.
Le procès, ouvert à Libreville le 10 novembre et marqué par une sécurité renforcée, se poursuit en l’absence des deux principaux accusés, jugés par contumace.
Mais au-delà du scandale, les propos de Kim Oun traduisent une fracture historique : celle entre l’ancien système Bongo, fondé sur l’impunité et les privilèges, et la nouvelle ère judiciaire et morale que Brice Clotaire Oligui Nguema tente d’imposer sous la Ve République.
Le Gabon, désormais engagé sur la voie de la transparence, joue bien plus qu’un procès : il rejoue son histoire, entre justice, vérité et reconstruction nationale.































Discussion about this post