Dès son arrivée, le président Bassirou Diomaye Faye a lancé un audit des finances publiques, révélant de graves irrégularités. Cette enquête a conduit à la suspension du financement du FMI, tandis que les partenaires attendaient le rapport final de la Cour des comptes pour confirmer ou non ces conclusions.
Selon un rapport d’audit de la Cour des comptes sénégalaise, la dette de l’administration centrale budgétaire atteignait 18 558,91 milliards FCFA (29,4 milliards $) au 31 décembre 2023, soit 99,67 % du PIB, bien au-delà des 74 % annoncés par l’ancien gouvernement. Cette situation financière préoccupante s’accompagne d’un déficit budgétaire réel en moyenne de 11 %, atteignant même 12,30 % en 2023, contre les 4,90 % précédemment déclarés.
Ce rapport de 57 pages, couvrant la période 2019-2024 sous la présidence de Macky Sall, met en évidence de nombreuses irrégularités financières. Il révèle des discordances significatives entre les données officielles et celles vérifiées par la Cour, notamment sur l’amortissement de la dette, l’encours des emprunts publics et les disponibilités bancaires.
Les enquêteurs dénoncent des pratiques budgétaires irrégulières, comme le rattachement artificiel de recettes d’une année à l’exercice précédent pour minimiser le déficit. Certaines créances douanières ont été omises, faussant l’évaluation des finances publiques, tandis que des dépenses fiscales n’ont pas été évaluées annuellement, en violation des règles de l’UEMOA.
L’audit met également en lumière des transferts budgétaires massifs vers des structures non personnalisées de l’État via des comptes de dépôt, échappant aux règles en vigueur. Certains de ces comptes, comme le CAP/Gouvernement, créé au profit de la Cellule d’appui à la mise en œuvre des Projets et Programmes (CAP), et le Programme de Défense des Intérêts économiques et sécuritaires du Sénégal (PDIES), présentent des irrégularités, avec des engagements financiers sans couverture budgétaire. Par ailleurs, l’État aurait contracté des emprunts au-delà de ses besoins réels, générant des surfinancements dont l’utilisation reste floue. La dette bancaire contractée en dehors du circuit budgétaire et sans approbation parlementaire atteignait 2517,14 milliards FCFA au 31 mars 2024.
Pour rappel, le président Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir en mars 2024, avait ordonné un audit approfondi des finances publiques. Les conclusions de la Cour des comptes ont entraîné la suspension des décaissements prévus dans le cadre d’un programme avec le FMI, dans l’attente de clarifications sur l’état réel des finances publiques. Désormais, les bailleurs de fonds du Sénégal ainsi que les agences de notation, qui restaient dans l’attente du rapport de la Cour, devront réévaluer leurs perspectives sur la dette sénégalaise. Une situation, qui pourrait compliquer la marge de manœuvre du gouvernement actuel qui a lancé en octobre dernier un plan quinquennal de 31 milliards $ de dollars, dont 62,3% devront être mobilisés par l’Etat, 14,1% par le secteur privé et le reste via des partenariats public-privé.
Le 6 février dernier, la porte-parole du Fonds monétaire international, Jolie Kozack, a réaffirmé l’engagement de l’institution à accompagner les nouvelles autorités sénégalaises pour « renforcer la transparence, consolider la responsabilité et prévenir la répétition de telles erreurs à l’avenir ».
Rappelons que le rapport sur les finances publiques repose sur des données issues des lois de règlement, du Compte général de l’Administration des Finances (CGAF), du Tableau des Opérations Financières de l’État (TOFE) et de diverses institutions. Réalisé par le ministère des Finances sous la supervision de l’inspection générale des finances, il couvre l’Administration centrale, tout en intégrant les transferts et risques budgétaires liés aux collectivités et au secteur parapublic.
L’audit de la Cour des comptes, quant à lui, repose sur trois étapes (planification, examen détaillé et rapportage) et vise à établir un état fidèle des finances publiques entre 2019 et mars 2024. Cependant, la Cour indique que « la situation de la commande publique a été exclue du périmètre, en raison de contraintes de délais et de l’étendue des travaux ».
Avec Agence Ecofin
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